Phobie sociale et hypnothérapie — Anxiété sociale
Article de Jean Touati, hypnothérapeute
Août 2007
Compte tenu des règles déontologiques de respect du secret professionnel et de réserve vis-à-vis des patients, les prénoms ainsi que certains éléments biographiques ont été modifiés.
Clarissa, 42 ans, souffre de phobie (ou anxiété) sociale. Sa vie affective est entre parenthèses depuis déjà dix ans. Elle raconte comment en quelques séances « les verrous ont sauté », « les vannes se sont ouvertes »... :
« Je me suis laissée complètement aller dans cette rencontre (Clarissa s'est engagée dans une relation à l'issue de sa 3ème séance). C’est assez étonnant. [...] En fait j’ai eu l’impression que j’allais au bout de mon désir, ce que je ne faisais jamais avant ! Que je n’avais même jamais fait. [...] Je n'sais pas si les verrous ont sauté ou si (rit)... c’est plus que les verrous, j’ai l’impression que l’on a ouvert des vannes ! [...] Ça ne fait que huit jours finalement [sa rencontre avec cet homme], j’ai tout le temps, dans ces moments-là, écouté ce que je ressentais, j’étais capable de me laisser aller, de m'écouter moi, mon désir... (sourit) C’est la première fois, oui c’est la première fois que je vais vraiment au bout de mon désir sans culpabiliser. »
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« Je préfère le vin d'ici à l'au-delà. »
Francis Blanche
Lors de notre premier entretien Clarissa commence par me dire qu’elle est en analyse depuis onze ans. Elle a l’impression de piétiner, d’avoir tellement analysé, essayé de comprendre tout en étant toujours confrontée aux mêmes peurs. Elle ajoute : « A force de mettre des mots, c’est même pire... »
Clarissa souffre d’une phobie sociale dont elle parle ainsi : « J’ai peur de me positionner vis-à-vis de quelqu’un. J’angoisse en public, j’ai le cœur qui bat très fort. J’ai cette sensation d’être le point de mire de tout le monde, d’être jugée. J’imagine que l’on va penser que je suis nulle et que je ne vais pas avoir de répondant... ça me met dans un tel état. Je voudrais être invisible, ne pas être interpelée. Pourtant j’ai envie de dire des choses mais j’ai cette impression de décoller, que tous mes souvenirs s’en vont, tout disparaît... de quoi je vais avoir l’air ?... »
Elle a commencé une première analyse suite à « une séparation avec un homme » puis une deuxième après une autre séparation : « Lorsque j’étais quittée, je ressentais une dévalorisation, une grande détresse. J’avais l’impression de vouloir mourir, je n’avais plus envie de vivre, j’étais en dépression, voilà... Ça m’a aidé de me dire que j’allais voir quelqu’un mais je n’ai pas réglé ce problème de séparation... » Elle poursuit en me disant qu’elle n’a plus eu de relation avec un homme depuis longtemps, qu’elle n’a pas été amoureuse depuis très longtemps et qu’elle aimerait bien revivre ça. J’apprendrai par la suite que cela fait presque dix ans qu’elle n’a pas eu de relations sexuelles.
Lors de cette première séance j’accompagnerai Clarissa au travers d’un protocole de régression dans le passé (en âge). Je pense qu’après ces années d’analyse elle peut être prête à revivre différemment les évènements de vie qu’elle a sûrement déjà travaillés, analysés et compris intellectuellement. La plupart du temps les patients retrouvent sous forme de reviviscence des évènements marquants de l’enfance que j’appelle « mini-traumas » de l’enfance. En effet, bien souvent ces évènements peuvent paraître anodins pour l’adulte et sont rarement remémorés consciemment en dehors de la transe hypnotique. La plupart des patients s’étonne de revivre ces évènements auxquels ils n’ont souvent jamais repensés. Cette reviviscence, si rapide et si détaillée, laisse d’ailleurs perplexe les patients ayant été en analyse, pour certains, durant plusieurs années ; quelques exemples : Sophie à cinq ans, elle est sur scène au spectacle de fin d’année, elle a honte parce que son collant est un peu transparent et que l’on voit sa culotte, Mathilde a trois ans, elle se voit en maillot de bain rouge sur la plage, elle a très peur, elle se sent seule, sa maman n’est pas là. Sa mère confirmera qu’elle s’est perdue plusieurs heures à la plage lors des vacances en Normandie ; Philippe a six ans, il a reçu pour Noël une trousse à outils. Il a pris des planches appartenant à son père qu’il essaie de scier pour construire une petite maison. Son père n’est pas content, il lui dit qu’il n’en est pas capable. Le petit Philippe monte seul pleurer dans sa chambre ; Maya a cinq ans, sa mère vient la voir après une assez longue absence, elle lui a acheté une robe de marque, très chère. Sa mère aime cette marque, ces couleurs. Elle veut qu’elle l’essaie mais la petite Maya n’en a pas envie, cette robe ne lui plaît pas. Elle la met pour faire plaisir à sa mère. Sa mère lui dit que la robe lui va bien mais, elle ne lui dit pas... qu’ELLE est jolie, ce que la petite aimerait entendre.
Clarissa, quant à elle, revivra quatre scènes à l’âge de dix ans dont une où elle se revoit, dans un bac à sable, attachée par d’autres enfants : « Ils m’ont enlevé ma culotte, ils me mettent du sable dedans, d’autres enfants regardent, je ne peux pas bouger, je me sens prisonnière, j’ai honte. »
2ème séance
Je revois Clarissa la semaine suivante, elle est détendue, tout sourire. Elle me raconte qu’elle vient de rencontrer dans le quartier une amie qu’elle n’avait pas vue depuis très longtemps. Elle ajoute qu’elle se dit qu’il lui arrive de bonnes choses en venant ici et qu’elle aime bien cet endroit.
Elle reparle d’évènements où elle s’est sentie mal. Je lui demande ce qui risque de se passer : « Je ne sais pas, un drame. Je me dis ça va arriver, aller ça débarque... j’ai honte, je ressens de la culpabilité, l’envie d’être ailleurs. Rien que d’en parler j’ai la tête qui tourne, j’appelle ça décoller, ne plus vouloir être dans ma peau. »
Je lui demande ce qui a changé depuis la semaine dernière. Elle dit se sentir déjà différente, qu’il y a quelque chose qui prend sa place, qu’elle a l’impression de se caller.
Je continue sur son changement.
« Qu’est-ce qui a été bien ?
— C’est un état, c’est difficile à décrire. En sortant je me sentais légère mais j’ai très mal dormi même si je suis plus gaie. »
A la fin du travail en hypnose de cette deuxième séance Clarissa me dit : « C’était beaucoup plus agréable cette fois-ci. », je lui réponds : « Ah, bien sûr cette fois les choses du passé sont traitées maintenant nous en sommes à la phase 2 : on construit l’avenir !
— C’est ça qui m’épate, ça va si vite, conclut-elle. »
3ème séance
Clarissa arrive un peu émoustillée : « Je ne sais pas, à chaque fois que je viens chez vous… il se passe quelque chose... Je viens de me faire draguer au restaurant. C’était drôle cette rencontre, à la fin il m’a dit : "Est-ce que j’ose", je lui ai demandé : "Oser quoi ?" Il m’a dit : "Vous demander votre numéro de téléphone." Je lui ai donné mon numéro et en même temps je me disais : "Mais qu’est-ce que tu fais ? Oh ! Puis après tout, depuis le temps que j’attends qu’il m’arrive quelque chose". Après je me suis dit : "Tu donnes ton numéro de téléphone comme ça..." »
4ème séance
Clarissa me raconte qu’elle s’est laissée séduire et que « les choses » ont été très vite : « Je venais ici, j’étais vraiment dans le vécu du moment, dans ce que je ressentais, je ne m’attendais pas du tout à ce que quelqu’un vienne vers moi. Ça s’est fait, je me suis dit : "Tiens c’est drôle, c'n’est pas trop mon type d’homme habituellement mais en même temps, il est drôle, il est sympa, il a l’air d’aimer ce que je suis, enfin, en tous cas ce qu’il en voit..." Je me suis dit : "Hop ! C’est le moment de dire oui quitte à me bousculer dans ce que je suis habituellement. Si je le fais pas, là, je refuse d’avancer." Donc, j’ai accepté et même, à la limite, très bien au point de ne rien y mettre d’autre. [...] Enfin, je raconte ça, j’ai l’impression que c’est pas moi, j’ai l’impression que ça m’est arrivé et que ça ne m’est pas arrivé en même temps. Je n’sais pas, c’est assez curieux, il n’y a pas de transition quoi. Il n’y a pas de transition entre tout ce temps où il ne s’est rien passé et ce temps où tout à coup je tombe sur quelqu’un d’extrêmement euh... comment dire... rapide, c’est bien ça, rapide très emporté, très enthousiaste, tout l’inverse de moi. [...] Alors ça fait drôle, il m’a bousculé, vraiment, et je me suis laissée complètement aller dans cette rencontre. C’est assez étonnant. Je crois que j’avais très envie d’aller plus loin, j’ai laissé les choses se faire. En fait j’ai eu l’impression que j’allais au bout de mon désir, ce que je ne faisais jamais avant ! Que je n’avais même jamais fait. [...] Il m’a dit des choses qui se rapprochaient vraiment beaucoup de... de ce que vous m’avez dit ici, c’était très très étonnant, je me suis dit : "C’est pas possible ! Je rêve ou quoi !" Très étonnant... Il m’a dit, je sais même pas si je vais réussir à tout retrouver : "T’as un regard magnifique, t’es belle et tu ne le sais pas..." »
Cette semaine, il y a une réflexion qui m’est revenue par rapport aux séances ici. Je n'sais pas si les verrous ont sauté ou si (rit)... c’est plus que les verrous, j’ai l’impression que l’on a ouvert des vannes ! Et à tel point que je suis en train d’être dépassée moi-même. Je me suis dit : "Il n’faudrait pas que je me noie non plus. Il faudra peut être refermer un peu les vannes (en riant)". [...] Ça ne fait que huit jours finalement [sa rencontre avec cet homme], j’ai tout le temps, dans ces moments-là, écouté ce que je ressentais, j’étais capable de me laisser aller, de m'écouter moi, mon désir...(sourit) C’est la première fois, oui c’est la première fois que je vais vraiment au bout de mon désir sans culpabiliser. Je ne vais pas dire que je ne vais plus me poser de questions à partir de maintenant mais en tout cas être plus dans le moment, dans le ressenti, dans l’acceptation... En tout cas j’ai l’impression d’avoir fait l’expérience de ça. Je ne suis pas sûre que ce soit encore complètement clair, mais j’ai fait cette expérience-là... et c’est pas désagréable... [...] Je me suis réconciliée avec mon corps que je n’arrivais plus à regarder dans la glace... il y avait une espèce d’unité retrouvée. J’étais à l’écoute de ce qui se passait et en plus capable d’exprimer des choses, ce que je n’avais jamais fait avant, vraiment ! Ça c’est vraiment nouveau. Avant j’avais honte de ça, je ne pouvais pas exprimer quelque chose par rapport à ça. Ouai, ça c’est agréable, c’est clair. c’est même très agréable, ben oui. »
Elle conclut en disant : « Eh bien, oui il s’en passe des choses depuis que je viens là ! »
Je verrai en tout Clarissa au cours de sept séances.
Lorsqu’elle parle de ce qu'elle ressent lors des séances elle me dit notamment : « Les séances m’ont bousculée hors de mon cadre habituel, il me semble, là en en parlant, que c’est ce que je suis venue chercher aussi. » ; « C’est vrai que je me sens toujours regonflée quand je pars d’ici. » ; « J’ai l’impression, je vais vous dire ce qui me viens comme ça, qui m’est venu déjà tout à l’heure, c’est presque... c’est sans doute pas un terme très, très... je sais pas,... thérapeutique ou je ne sais pas quoi, dans le cadre... Non, j’ai l’impression, alors voilà, je ne sais pas si je peux vous le dire, de complicité... avec vous. J’ai cette sensation, du coup je me sens... et c’est là d’où viens la confiance je pense et ce n’est pas que la confiance, je suis en confiance avec mon psy [Clarissa voit toujours son psychanalyste] au sens ou je sais que ça ne sortira pas de son bureau et je peux dire des choses mais j’aurai pas ce type de rapport avec lui, enfin de contact, ou de... quoique je le fais rigoler depuis quelque temps, je le vois qui rigole comme une baleine... »
7ème et dernière séance
Clarissa est toute contente de me dire qu’elle a quelque chose à m’annoncer : elle en a enfin terminé avec son psychanalyste. « Yes ! » fait-elle, avec ce mouvement de poing serré vers le bas en signe de réussite ; après onze années elle s’était enfermée dans une relation de dépendance dont elle avait le plus grand mal à se libérer. Elle ajoute, légère et sûre d'elle, que c’est aussi notre dernière séance...
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