Le grand livre du coaching
Ouvrage collectif "Le grand livre du coaching" sous la direction de Frank Bournois, Thierry Chavel et Alain Filleron - préface de Raymond Domenech, mars 2008 chez Eyrolles - Editions d'Organisation.
Cet ouvrage donne une vision multiple du coaching tel qu'il est enseigné à l'université Paris 2.
Jean Touati, dans une vision singulière, montre au travers de situations concrètes et de références théoriques comment le coaching se nourrit de la thérapie et ceci souvent à l'insu de ceux qui le pratiquent.
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Y a-t-il une place pour une pratique
psychothérapeutique dans le coaching ?
2ème partie
Dans cette seconde partie je développe la place de l'hypnose dans le coaching managérial. Dans la première partie je traite plus spécifiquement de la place d'une approche thérapeutique dans le coaching de cadres et dirigeants.
Lire la partie 1 mettant en perspective psychothérapie et coaching Y a-t-il une place pour une pratique psychothérapeutique dans le coaching partie 1
Résumé
Le coaching puise – et ceci parfois sans le savoir – dans la richesse des savoirs thérapeutiques. Les paradigmes du coaching, ses outils de gestion et d’activation du changement se constituent, pour une large part, sur la psychologie humaniste et les modèles thérapeutiques des thérapies brèves. Parmi ces modèles, l’hypnose thérapeutique et la communication éricksonienne, ouvrent une voie de compréhension et de ressenti sur ce qui se noue de singulier dans une relation de coaching.
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Le coaching ne peut-il se définir pour ce qu’il est ?
« Le coaching n’est pas de la thérapie », certains ajoutent « ni du conseil, ni de la formation » ; le métier de coach serait-il si difficile à définir qu’il ne pourrait se représenter que par ce qu’il n’est pas ? Le coach n’utilise-t-il pas, comme le thérapeute, le langage et sa personne comme outil du changement ? Le coaching ne peut-il se nourrir de la thérapie ? Faut-il ou y a-t-il une barrière infranchissable entre les deux ?
Au travers d'un dialogue avec Alain Filleron, je vous invite, en partageant des situations concrètes, à appréhender au plus près ces questions, à voir comment les pratiques thérapeutiques : courant humaniste, thérapies brèves, hypnose,… nourrissent le coaching et ses paradigmes et cela parfois à l’insu de ceux qui le pratiquent.
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(Extrait)
AF. – Dans votre premier exemple vous parlez de l’hypnose comme d’une solution « miracle » face à une situation de stress. Pouvez-vous nous en dire plus sur cette pratique ?
JT. – Avant d’illustrer l’apport de l’hypnose je vous propose un détour au cœur de la relation entre le coach et son client.
Pour cela, remontons le temps quelques instants. Nous sommes en 1779, superstition, sorcellerie et autres pratiques ésotériques sont toujours florissantes. Franz Anton Mesmer, découvre « qu’un fluide magnétique bienfaisant » peut se transmettre d’un sujet à un autre.
Maintenant, comme pour un jeu, tout en poursuivant votre lecture, je vous propose de prêter davantage attention à votre voix intérieure – la voix que vous entendez en lisant ces lignes – ou même si vous le voulez, de poursuivre en chuchotant. Imaginez : un groupe d’hommes et de femmes, ils sont une dizaine en cercle au centre de la place du village. Un village de votre choix, que vous connaissez bien. A côté, un quatuor à cordes : trois violonistes, un violoncelliste interprètent Mozart. Au centre un homme grand, charismatique, envoûtant, cheveux longs d’un blanc lumineux, vêtu d’une cape de soie lilas. Il s’approche tour à tour de chacun, passe ses mains de gestes ondoyants devant les visages. Les mains poursuivent ensuite en volutes comme enveloppant chaque corps. Chacun tour à tour sombre dans un sommeil convulsif. Voyez la foule autour observant incrédule. Ecoutez comme un bourdonnement venant de toutes ses bouches hébétées, le cri d’un enfant malade dans les bras de sa mère qui espère... Et maintenant, imprégnez-vous des sons, des images, des sensations et pour le plaisir du voyage dans le temps fermez les yeux un instant et revoyez toute la scène depuis le début : un groupe d’homme et de femmes, la place du village... Ou reprenez la lecture en jouant le jeu, cette fois !
Vous voilà de retour de ce petit aperçu du chemin de l’hypnose, alors continuons. Mesmer était-il un farfelu ? Eh bien non. Il propose une théorie qu’il veut physiologique et rationaliste. Cette théorie sera passée au crible de l’Académie des Sciences et de la Société Royale de Médecine qui après une étude détaillée, tout en constatant certains effets curatifs, attribuèrent le phénomène à la pure imagination. Pensant ainsi démontrer la supercherie, l’autorité savante, mettait en évidence, sans s’en rendre compte, le rôle de la dimension psychologique dans la relation interpersonnelle.
Même si nous sommes loin de la pratique actuelle de l’hypnose, Mesmer reste un précurseur de l’étude expérimentale de la relation psychothérapeutique.
Pourquoi citer Mesmer et rappeler ce qu’il nommait « le magnétisme animal » ? Cette histoire de fluide reliant deux personnes reste, je trouve, une métaphore évocatrice de ce qui se noue dans un entretien de coaching ; à un moment donné, ce sentiment que quelque chose de particulier se met en place, qu’une « bulle » vient recouvrir le coach et son client les reliant étroitement tout en les séparant de l’environnement. N’avons-nous pas affaire à la même bulle dans laquelle disent s’isoler les artistes ou les sportifs avant leur représentation ou compétition ?
C’est là que je fais intervenir l’hypnose : pour moi la pratique hypnotique n’est pas un outil de la « panoplie » du coach parmi d’autres. Le phénomène hypnotique est au cœur de la gestion de la relation ; il permet de ressentir et de comprendre ce qui se noue de spécifique et parfois de mystérieux dans cette relation. Que se passe-t-il de particulier en cet instant entre le coach et son client ? Le coach a son attention tout entière focalisée sur son client ; il écoute le déroulement de son discours, sa prosodie, observe son regard, sa posture, ses mimiques, ses gestes,... Se faisant, il se détache de sa propre existence, il s’extrait de sa pensée sur soi pour se centrer sur celle de son client. Il procède ainsi à une déprivation sensorielle au profit de la seule focalisation sur son client, sur la situation, sur son propre ressenti. L’hypnothérapeute – ou le coach –, dans la phase d’induction hypnotique, accompagne son client par ce même processus de déprivation sensorielle et se laisse lui-même, par synchronisation, partiellement entraîner dans cet état hypnotique. C’est ainsi qu’il ressent étroitement ce que vit son client et qu’il sait ensuite le guider.
Nous touchons du doigt, que le coach, en ces moments particuliers où le sentiment qu’un lien émotionnel et quasi-physique s’établit avec son client, vit et ressent l’expérience de sa propre transe hypnotique. Loin d’une technicité sans âme, si se phénomène se produit spontanément, alors il nous signifie, à travers les sens, que l’instrument premier du coaching n’est autre que l’humanité du coach et son être dans sa totalité.
Comme je le disais à propos des outils des thérapies brèves, l’on peut constater, là aussi, que revisiter une pratique réussie de coaching laisse souvent apparaître les ingrédients de l’hypnose.
L’hypnose éricksonienne, loin de l’hypnose classique marquée par les médecins : Charcot, Bernheim et, encore plus, de l’hypnose de music-hall : « dormez, je le veux ! », se vit comme un apprentissage avec la participation active de la personne qui garde une part consciente. L’état hypnotique est un état de suggestibilité accrue où la personne accède à des modes de créativité et d'imagination décuplés. Des souvenirs peuvent être réactivés de façon prégnante. La personne est davantage guidée par ses sens que par une rationalité cartésienne. Milton Hyland Erickson avait une approche assez instinctive. John Grinder et Richard Bandler ont contribué à modéliser cette approche en formalisant la PNL. Hypnose éricksonienne et PNL sont ainsi étroitement mêlées. En France cependant, la PNL est souvent présentée comme un modèle de communication dépourvu de sa composante hypnotique. L’approche éricksonienne a bien sûr depuis les années 50 continué d’évoluer pour s’adapter à l’époque actuelle. L’hypnose conversationnelle utilise les outils de l’hypnose sans induction formelle.
Mais plutôt que de parler davantage d’hypnose, je laisserai encore une fois la place aux témoignages.
Aurélie est consultante en management. Elle a créé son cabinet il y a cinq ans après un parcours de dix ans dans la banque. Depuis quelque temps elle se sent en grande difficulté dans sa prospection commerciale. Ecoutons-la : « J’ai décidé d’arrêter de prendre des rendez-vous, je sais que ce n’est pas malin mais je ne peux plus ! Je me sens vraiment trop nulle, j’ai l’impression de perdre mon temps, que ça ne sert à rien. » Elle a pourtant de bonnes connaissances et un réel savoir-faire dans la vente de conseil. Elle pense à une nouvelle formation. Elle ressent cependant que son problème ne vient pas d’un manque de compétence commerciale mais de quelque chose qui « vient de plus loin » et qui se rejouerait dans ces situations…
Retrouvons Aurélie trois semaines après : « A l’issue de notre séance, je vous ai dit me sentir bouleversée, au sens littérale. J’avais la sensation d’avoir été retournée et que des choses s’étaient remises en place. Eh bien je suis très étonnée. J’ai vraiment changé, je vais, de manière étonnante, beaucoup mieux et même très très bien. Dans ma vie de tous les jours, je suis d’humeur rieuse, un peu cabotine. Dans mon travail, je remarque la fluidité de mes échanges, je dis des choses tellement facilement et naturellement. Je n’ai plus l’impression de vendre mon âme au diable en parlant de ça [l'action commerciale]. Ça ne me prend aucune énergie. Auparavant j’avais une boule au ventre lorsque je décrochais mon téléphone pour prospecter. Cet après-midi j’ai passé une douzaine de coups de fils comme si je prenais mon thé …
Je prendrai également le témoignage d’un cas thérapeutique. Mathilde est musicienne et manager d’un orchestre lyrique. Elle doit faire face à des concerts importants. Depuis plusieurs mois elle va très mal. Elle est en proie à des crises d’angoisse et de panique, elle fait des malaises dans la rue. Elle ne peut plus prendre le métro, aller dans des lieux publics, elle a le sentiment d’être dans un « état de survie »...
Je retiens ce cas, car Mathilde, qui se dit « très cérébrale et toujours dans l’analyse » livre un témoignage très parlant sur son ressenti et sur les mécanismes à l’œuvre dans l’hypnose : « Je n’ai pas refait de crise d’angoisse. Quand je suis sortie de chez vous j’ai vu le panorama s’élargir autour de moi alors que depuis des mois j’étais dans un monde étriqué à cause de la peur. Ça m’a fait énormément de bien, je ne pensais pas que cela puisse avoir une telle portée. Ça a débloqué quelque chose de très profond. C’était tellement dense et fort, j’étais très surprise de voir que ces choses pouvaient revenir et être ressenties si fort. Ça s’est fait de manière si « violente », dans le sens positif. Comme je suis très cérébrale j’ai tendance à penser que je sais et que je maîtrise ; ça m’a chamboulé, oui s’est vraiment le mot, chamboulé dans le bon sens du terme. Avant de vous voir, j’étais complètement dépassée par ce qui m’arrivait, j’étais submergée, je subissais, je ressens à nouveau la possibilité d’avoir prise sur les choses. Là où c’est très fort, c’est que, bien sûr je vous ai parlé, mais ce que j’entendais était tellement juste ; j’ai des phrases qui sont restées, que je retiens et qui me reviennent encore et qui sont justes, qui me parlent, c’est épatant ! Je suis d’habitude toujours dans l’analyse, j’ai besoin de comprendre. En hypnose ce qui était très puissant c’est que j’étais dans un autre mode, comment dire, on passe par le ressenti, par les sens, pour le coup on ne peut pas faire plus juste à ce moment-là. »
Comme le dit très bien Mathilde, l’hypnose parle aux sens et non plus à la raison. Les sens et les émotions sont au cœur du changement et celui-ci n’emprunte pas des voies différentes dans ou hors de l’entreprise.
Bien sûr les personnes ne sont pas toujours aussi éloquentes et les témoignages si frappants ; Théodore, dirigeant au profil de gestionnaire tr s rationnel, nous dira : « Je n’ai pas d’imagination, je pense que cela ne fonctionne pas sur moi » tout en ajoutant : « Je n’ai rien changé, pourtant mon entourage me dit que mon comportement a changé ». Quoi lui répondre, si ce n’est : « Théodore, surtout continuez à ne rien changer ! ».
Savoir ce que l’on est et d’où l’on vient pour… aller plus loin
A travers ces quelques histoires de coaching, si une « barrière » a été levée entre coaching et thérapie, il est clair que ce n’est pas parce que l’un et l’autre se confondent ; comme nous l’avons vu, le coaching puise – et ceci parfois sans le savoir – dans la richesse des savoirs thérapeutiques.
Dans cette perspective, j’ajouterai que le coaching, ses développements théoriques et méthodologiques, sa pratique, ne pourront que s’enrichir et, le coaching, s’affirmer comme une discipline à part entière, par une démarche intégrative, à la fois ouverte et critique, se référant explicitement à ce qui le constitue.
Lire la partie 1 mettant en perspective psychothérapie et coaching
Y a-t-il une place pour une pratique psychothérapeutique dans le coaching partie 1
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Bibliographie conseillée
Bandler Richard, Le temps du changement, La tempérance, 2002
Cayrol Alain, De Saint Paul Josiane, Derrière la magie, la PNL, InterEditions, 1984
Chertok Léon, L’hypnose entre la psychanalyse et la biologie, Odile Jacob, 2006
Chertok Léon, L’hypnose, Payot, 2002
Erickson Milton, Textes établis et commentés par Sydney Rosen, Ma voix t’accompagnera, Hommes et groupes, 1986
Haubert Nicole, Gruère Jean-Pierre, Jabes Jak, Laroche Hervé, Michel Sandra, Management, aspects humains et organisationnels, Puf, 1991
Lockert Olivier, Hypnose, IFHE, 2001
Roustang François, Qu’est-ce que l’hypnose, Les éditions de minuit, 2003
Watzlawick Paul, Nardone Giorgio (collectif sous la direction de.), Stratégie de la thérapie brève, Seuil, 2000
Film conseillé
Oui, mais…, écrit et réalisé par Yves Lavandier avec Gérard Jugnot et Emilie Dequenne, 2001
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