Pathologie et traitement des phobies par hypnose
Article de Jean Touati, hypnothérapeute
Mars 2010
Je présente dans ce texte ce qui caractérise les différents troubles phobiques : phobies spécifiques, agoraphobie et phobie sociale. Je vous propose ensuite des cas cliniques ou témoignages de patients traités en hypnothérapie pour ces trois types de phobies.
Je termine par une discussion comparée sur les traitements en hypnothérapie, en TCC (Thérapie Comportementale et Cognitive) et en psychanalyse.
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La phobie est une peur irrationnelle déclenchée par la présence d'un objet ou d'une situation déterminés ne présentant pas en eux-mêmes un caractère objectivement dangereux. L'anxiété n'est pas atténuée par le fait de reconnaître que la situation n'est pas menaçante. A la différence du trouble obsessionnel, la crainte n'est ressentie que lorsque la personne se trouve confrontée avec l'objet ou la situation redoutés mais la simple évocation de ce qui est redouté peut provoquer une peur par anticipation.
L'angoisse phobique disparaît en l'absence de l'objet ou de la situation, aussi la personne va éviter la situation redoutée ou mettre en place des stratagèmes d'évitement, comme l'utilisation d'un objet contre-phobique : un gri-gri, avoir sa boîte d'anxiolytique et sa bouteille d'eau sur soi, être accompagnée d'une personne...
On distingue 3 types de phobies : les phobies spécifiques, l'agoraphobie et la phobie sociale.
Les phobies spécifiques
Ces phobies sont liées à un stimulus précis comme la proximité de certains animaux — araignées, serpents, souris, oiseaux, chiens...—, les endroits élevés, les orages, l'obscurité, les voyages en avion, la conduite automobile, l'école (phobie scolaire), les examens, les soins dentaires, les piqures, la vue du sang, les espaces clos (train, métro, ascenceurs...), la peur de vomir ou de voir une personne vomir (émétophobie qui se rapproche plutôt d'un trouble obsessionnel)... la liste est encore longue !.
Grâce à des démarches d'évitement la personne peut vivre quasi-normalement avec certaines de ces phobies ; on ne croise pas des araignées à chaque coin de rue dans nos villes mais une personne souffrant d'une phobie des oiseaux aura plus de mal à les éviter et certaines phobies spécifiques comme la peur des voyages en avion ou en train risque de limiter son mode de vie ou d'impacter sa vie professionnelle.
Ces troubles phobiques peuvent s'associer à d'autres troubles du type névrotiques ou à des troubles de l'humeur ; les phobies spécifiques semblent, en effet, parfois jouer un rôle de mécanisme de défense contre l'angoisse qu'elles concentrent, en quelque sorte, sur un objet précis.
L'agoraphobie
L'agoraphobie se limitait à l'origine à une peur des espaces découverts. Sa définition s'est élargie à la crainte de se trouver sans protection, loin d'un lieu rassurant. Outre la crainte des espaces découverts, elle englobe ainsi la peur des foules, la crainte de quitter son domicile, la peur des magasins, des endroits publics, la peur de voyager seul en transport en commun. L'agoraphobie peut résulter d'une crise de panique survenue dans un lieu public et certaines personnes peuvent être terrifiées à l'idée de s'évanouir dans un endroit public sans pouvoir être secourues.
Les personnes vont éviter les situations redoutées ce qui peut dans certains cas extrêmes amener à rester confiner chez soi. Le trouble est beaucoup plus fréquent chez les femmes que chez les hommes. En l'absence de traitement efficace, l'agoraphobie évolue souvent vers la chronicité avec, habituellement, des fluctuations d'intensité.
La phobie sociale
La caractéristique essentielle de la phobie sociale est une peur marquée et persistante des situations sociales (de groupe par opposition aux foules). Cette crainte concerne soit les situations d'interactions sociales, soit plus particulièrement les situations de performance en public, soit les deux. Elles se limitent parfois à des situations particulières comme manger en public, parler en public, rencontrer des personnes du sexe opposé, se rendre à des soirées, parler à des figures d'autorité... ou peuvent s'étendre à l'ensemble des situations sociales par exemple lorsque la crainte concerne le fait de soutenir le regard. De nombreux symptômes peuvent venir exprimer cette angoisse phobique : peur de se mettre à rougir ou à trembler, avoir des nausées ou un besoin urgent d'uriner, avoir la sensation de perdre tous ses moyens - l'impression de ne plus savoir s'exprimer, l'impression d'un grand vide dans sa tête, voire dans certains cas un sentiment de panique avec une seule idée en tête : fuir cette situation angoissante.
La phobie sociale s'accompagne souvent de conduites d'évitement, pouvant aboutir, dans les cas extrêmes, à un isolement social presque total. Ce trouble s'accompagne souvent d'une mauvaise estime de soi et d'une peur de la critique. Les résultats scolaires ou professionnels ne sont souvent pas conformes aux capacités réelles des personnes. Dans les cas sévères le handicap professionnel et affectif peut être majeur.
Les études épidémiologiques réalisées dans la population générale montrent que la femme est plus souvent touchée que l'homme par ce trouble. Cependant, parmi les formes les plus sévères, la majorité des personnes sont des hommes. La fréquence du trouble est importante (3 à 13% de prévalence sur la vie) mais la sévérité est très variable d'un cas à l'autre. L'âge de début du trouble est typiquement l'adolescence (entre 10 et 20 ans). Son évolution est prolongée même si la sévérité du trouble peut s'atténuer avec la maturité. La sévérité de la gêne sociale est fréquemment fonction des facteurs de stress et des exigences de la vie ; par exemple, une promotion professionnelle peut être l'occasion d'une recrudescence du trouble.
Témoignages et cas cliniques de patients traités en hypnothérapie pour des phobies
Compte tenu des règles déontologiques de respect du secret professionnel et de réserve vis-à-vis des patients, les prénoms ainsi que certains éléments biographiques ont été modifiés.
Phobie de l'avion et hypnose
Clara souffre d'une phobie de l'avion qui s'est développée récemment suite à une crise de panique avant d'embarquer pour le dernier vol qu'elle n'a pas pu prendre.
La narration de cette séance illustre le protocole de régression en âge sous hypnose avec « double dissociation » particulièrement efficace pour le traitement des phobies spécifiques (ou simples).
Nous voyons comment certains évènements de vie peuvent par associations émotionnelles réveiller des traumas anciens et se lier aux affects ainsi réactivés. Nous voyons, également, que lorsqu'une phobie (souvent associée à une crise de panique) est traitée précocement celle-ci peut disparaître rapidement voire, dans certains cas, à l'issue d'une unique séance d'hypnose.
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Agoraphobie et hypnothérapie
Sarah est musicienne et chef d'orchestre d’un ensemble de musique baroque. Elle a prochainement des concerts importants. Depuis plusieurs mois elle va très mal. Elle est en proie à des crises d’angoisse et de panique, elle fait des malaises dans la rue. Elle ne peut plus prendre le métro, aller dans des lieux publics, elle a le sentiment d’être dans un « état de survie »…
Sarah, qui se dit « très cérébrale et toujours dans l’analyse » livre un témoignage très parlant sur son ressenti et sur les mécanismes à l’œuvre dans l’hypnose.
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Traitement de la phobie sociale en hypnothérapie
Clarissa, 42 ans, souffre d'une phobie sociale. Sa vie affective est entre parenthèses depuis déjà dix ans. Elle raconte comment en quelque séances « les verrous ont sauté », « les vannes se sont ouvertes »...
« Je me suis laissée complètement aller dans cette rencontre [Clarissa s'est engagée dans une relation à l'issue de sa troisième séance]. C’est assez étonnant. [...] En fait j’ai eu l’impression que j’allais au bout de mon désir, ce que je ne faisais jamais avant ! Que je n’avais même jamais fait. […] Je n'sais pas si les verrous ont sauté ou si (rit)… c’est plus que les verrous, j’ai l’impression que l’on a ouvert des vannes ! […] Ça ne fait que huit jours finalement [sa rencontre avec cet homme], j’ai tout le temps, dans ces moments-là, écouté ce que je ressentais, j’étais capable de me laisser aller, de m'écouter moi, mon désir... (sourit) C’est la première fois, oui c’est la première fois que je vais vraiment au bout de mon désir sans culpabiliser. »
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Le traitement des phobies : discussion comparée entre l'approche psychanalytique, les TCC et l'hypnose
Les TCC (Thérapies Comportementales et Cognitives) sont fréquemment mises en avant pour le traitement des phobies, notamment par le corps médical qui y voit souvent la seule alternative, pragmatique, rationnelle, compréhensible et rassurante, à l'approche psychanalytique (rapport INSERM, 2004). Prenant à contre-pied le dogmatisme étiologique 1 et l'intellectualisation interprétative de la psychanalyse concernant les troubles phobiques, les TCC proposent un modèle cognitif de l'étiologie des troubles phobiques et de leurs processus de maintien et de renforcement : la phobie serait liée à des mécanismes de conditionnement opérant 2 dysfonctionnels (cf. Thérapie Comportementales et Cognitives –TCC– et hypnose : complémentarités et limites).
Si psychanalyse et TCC peuvent paraître aux antipodes l'une de l'autre, on peut cependant y relever une proximité ; elles se rapprochent en ce sens que toutes deux basent leur approche thérapeutique en postulant, et souvent avec dogmatisme, que ce qui a été « mal fait » dans un sens, doit se défaire en prenant le chemin inverse : selon le modèle psychanalytique, si une névrose s'est installée, c'est qu'un évènement ayant été « mal vécu », a été refoulé (dans l'approche psychanalytique les phobies sont classées parmi les troubles névrotiques). Il s'agit, alors, de le ramener à la conscience pour se délivrer du symptôme qu'il engendre (cf. Psychanalyse et hypnose : une filiation désavouée ?). Selon les TCC, il s'agira de refaire le chemin inverse d'un conditionnement dysfonctionnel par un nouveau conditionnement contrecarrant le précédent au travers, notamment, des démarches dites de désensibilisation systématique basées en particulier sur l'exposition progressive à la situation anxiogène.
Cependant, force est de constater que l'hypnothérapie se montre bien plus efficace dans le traitement des phobies. Certaines phobies, notamment parmi les phobies spécifiques ou une agoraphobie résultant d'une crise de panique, peuvent lorsqu'elles sont traitées précocement disparaître rapidement voire, dans certains cas favorables, à l'issue d'une unique séance d'hypnose.
Mon expérience clinique m'amène à constater que les phobies se développent toujours sur un fond d'anxiété de type anxiété généralisée de plus ou moins grande ampleur que l'on peut caractériser notamment par un sentiment de menace infondée sans objet précis. Afin de faire face à cette angoisse diffuse l'esprit se focaliserait non consciemment sur un objet d'évitement ; l'on peut éviter un ascenseur, la conduite sur autoroute, les pigeons, etc. et ainsi bien s'occuper à élaborer des stratégies d'évitement tout en se redonnant un sentiment de contrôle ; ce besoin de contrôle caractérise également l'anxiété généralisée. L'objet de focalisation n'a rien de rationnel et peut varier dans le temps. Lorsque des personnes me consultent pour, par exemple, une phobie de l'avion, en explorant avec elles leur difficulté, je constate, bien souvent, qu'elles ont d'autres gênes comme les endroits clos, les ascenseurs, etc. Comme je le décris à propos de la phobie de l'avion — lorsqu’il s’agit effectivement d’une phobie et non d’une simple peur par méconnaissance — ce trouble n'est pas lié à une peur irrationnelle de l'avion en soi mais à une émotion ancienne, se rejouant au présent, qui serait venue s'associer à l'avion. En effet, dans tous les cas de phobie que j'ai traités, les évènements revécus lors de la mise en œuvre du protocole par régression en âge (cf. La remodélisation d'histoire de vie -RHV- : comprendre la démarche et les bienfaits de la régression en âge sous hypnose) n'ont pas de lien direct avec l'objet de la phobie. Cette émotion, réactivée et associée à l’objet phobique par un lien quelconque, aurait été ressentie lors d'un ou plusieurs évènements plus ou moins objectivement traumatiques remontant le plus souvent à la période allant de l'enfance à l'adolescence. Ces évènements peuvent, dans certains cas, paraître anodin pour l'adulte d'aujourd'hui mais pas pour l'enfant de l'époque. Ce qu'il faut donc apaiser c'est cette angoisse revenant du passé — ce que vise à faire le protocole RHV — ; la phobie se manifestant comme un mécanisme de défense vis-à-vis de cette angoisse. J'ajoute que durant le travail thérapeutique je m'intéresse assez peu à l'objet de la phobie en tant que tel.
Ce que je décris ici, peut s'apparenter d'une certaine façon au modèle étiologique des troubles névrotiques décrit par la psychanalyse. Cependant, à l'instar de neuroscientifiques tel Lionel Naccache (2006), je rejette totalement le concept de « refoulement » et tout autant la démarche thérapeutique de la psychanalyse concernant ce type de troubles. (cf. Régression dans une vie antérieure sous hypnose : quelle réalité ?)
Au travers des témoignages et des cas cliniques vous pourrez appréhender la mise en œuvre de protocoles thérapeutiques utilisés en hypnose : par exemple, la régression en âge sous hypnose avec « double dissociation » particulièrement efficace pour le traitement des phobies spécifiques — cf. le traitement de la phobie de l'avion — ou la démarche de Remodélisation d'Histoire de Vie — RHV — dans le cas de la phobie sociale.
Pour conclure, je soulignerai que là où la psychanalyse va facilement parler en semestres voire en années pour la durée du traitement d'une phobie et où les TCC se targueront de nécessiter entre 10 et 30 séances, l'hypnose, tout en s'affranchissant d'intellectualisation théorique est, parmi toutes les thérapies, la seule qui, dans certains cas (assez rares), peut amener à une rémission en une seule séance comme pour Clara qui souffrait d'une phobie de l'avion et pour laquelle je vous propose la narration détaillée de sa séance ci-avant. Cependant une phobie installée depuis plusieurs années sera souvent plus longue à traiter ; celle-ci « se fond » dans la personnalité et façonne certains comportements de la personne, voire même de son entourage, en se renforçant au fil du temps par les anticipations et les répétitions phobiques.
Dans la majorité des cas le traitement d'une phobie simple nécessitera autour de 4 à 5 séances.
Définitions
Etiologie : en psychologie et psychiatrie l'étiologie est l'étude de la cause - ou les causes elles-mêmes - des troubles psychopathologiques. retour au texteEtiologie
Conditionnement opérant : Sans pour autant rendre compte de toutes les acquisitions, le conditionnement joue un rôle important dans le développement. Lorsqu'un comportement spontané reçoit un renforcement positif celui-ci est produit avec une plus grande fréquence. Par exemple, selon les behavioristes (comportementalistes), le langage se développerait selon un processus relevant du conditionnement opérant. Lorsqu'un bébé produit, par hasard, un son proche de sa langue son entourage le récompense par des sourires, des caresses et en répétant ce mot. L'enfant est ainsi encouragé à le répéter.
(Pour plus de détails cf. Principes des thérapies Comportementales et Cognitives TCC). retour au texteConditionnement opérant
Bibliographie
CANCEIL,O., COTTRAUX, J., FALISSARD, B., FLAMENT, M., MIERMONT, J., SWENDSEN, J., TEHERANI, M., THURIN, JM. Expertise collective, Psychothérapie : Trois approches évaluées. Rapport INSERM, 2004
NACCACHE, L. Le nouvel inconscient. Freud, le Christophe Colomb des neurosciences. Paris : Odile Jacob, 2006
DSM-IV-TR, Manuel diagnostique et statistique des troubles mentaux. Paris : Masson, 2000
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